le Ministère des Affaires Etrangères Marocain publie un communiqué ambigu, mais chargé de messages. Le communiqué annonce que le Maroc a accueilli avec un grand intérêt l’invitation adressée par le CCG aux fins de son adhésion à ladite Organisation et la demande du CCG à ouvrir des consultations avec le Maroc sur le sujet". Tout en rappelant l’importance et la particularité "des relations fraternelles" qui le lient aux pays du Golfe Arabe et se félicitant de la concertation profonde et de la solidarité agissante entretenues avec ces pays, le Maroc réitère "son attachement naturel et irréversible à l’idéal maghrébin et à la construction de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), choix stratégique fondamental de la nation marocaine". Sur la base de ces considérations, le Maroc exprime "sa pleine et entière disponibilité à mener des consultations approfondies avec le CCG en vue de définir le cadre d’une coopération optimale avec cette importante région du monde arabo-musulman".
Que doit-on en déduire ? Le Maroc est-il pour ? Est-il contre ? Globalement, son sentiment est positif, mais il faut bien lire son attachement à l’UMA, son milieu géographique logique, et son envie « de définir une coopération optimale avec le CCG » qui montrent sa prudence par rapport à ce qui lui a été proposé.
Car il semble clair que cette proposition est un non sens géographique, un non sens politique et un non sens social. Ce qui unit le Maroc et tous ces pays est qu’ils sont tous des monarchies absolues, reposant pour certains sur une légitimité religieuse. Mais la ressemblance s’arrête là. Car le système monarchique Marocain, malgré les pouvoirs étendus dont il dispose, repose sur des fondements politiques et religieux tout à fait différents de ceux des monarchies du Golfe. En Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis ou au Qatar, les monarchies absolues sont de type tribal. Et le terme absolu recouvre ici tout son sens. Par exemple en Arabie Saoudite, le roi est également Premier ministre. Tous les ministres sont issus de la famille Royale et de nombreux princes de sang occupent les postes stratégiques dans l’administration sans parler de leur hégémonie sur la scène économique. Là bas, c’est le Roi qui fixe le Budget et c’est toujours lui qui édicte les lois.
Ce qui différencie aussi le Maroc de ces pays est qu’il est fermement engagé dans une réforme constitutionnelle, où même l’option de la monarchie parlementaire est sujette à débat sur la scène publique. «Un Roi qui règne mais ne gouverne pas» est pour le moment un débat inimaginable dans les pays du Golfe.
Plus loin, cette proposition d’intégrer le Maroc pose de sérieuses contradictions économiques et sociales. Le conseil du Golfe est une union économique entre 6 monarchies pétrolières. Elle repose sur le principe de la liberté de circulation des personnes, des capitaux et des marchandises et ambitionne de créer une monnaie unique sur le modèle européen. S’il devient membre de ce Conseil, le Maroc sera en principe concerné par cette ouverture. Comment peut-on envisager une ouverture des frontières entre deux modèles de sociétés différentes, deux systèmes juridiques différents, deux cultures différentes? C’est la logique même qui en prend un coup. Est-on allé jusqu’à examiner un tant soi peu ce que pourrait engendrer une ouverture des frontières comme chamboulements socio-économiques sur le Maroc et les pays du Golfe? Il est irraisonnable d’envisager une ouverture pareille alors que l’Etat Marocain n’ose même pas se prononcer sur cette dramatique traite des Marocaines perpétrée dans certains pays du Golfe et sur les réseaux de prostitution? Il est illogique d’envisager une union avec des pays qui ne reconnaissent pas le statut de l’immigré universellement admis et dont tout le fonctionnement juridique et social repose sur la Chariâ?
Certains analystes disent que le Maroc a quand même intérêt à examiner cette offre en raison des dividendes économiques qu’il peut engranger. Certes, la proposition est alléchante, surtout avec l’explosion de notre facture énergétique qui risque d’hypothéquer nos plans de développement futurs. Et à part le pétrole? Sur les investissements par exemple, le Maroc est déjà bien avantagé en matière d’investissement du Golfe. Ces derniers ont occupé il y a quelques années le top des Investissements Directs Etrangers (IDE) avant de baisser à cause des effets de la crise. Mais ils sont en train de reprendre selon une vision beaucoup plus pointue et plus fructueuse.
Alors à quoi rime cette proposition du CCG? Le but de cette union élargie des monarchies ne serait-il pas tout simplement dicté par la peur ? La peur d’une rue arabe déterminée à arracher ses droits aux régimes en place. Devant ce risque, les rois arabes seraient tentés de créer une large coopération sécuritaire entre eux qui leur permettraient d’intervenir militairement chez un de leurs «frères» en danger. Le but ne serait-il pas finalement une survie tribale? La question est posée.